La naissance du cinéma
Durant 150 ans, la lanterne magique a été la récréation optique la plus goûtée de tous… A côté des plaques d’images fixes, les plaques animées apparaissent rapidement. Ancêtre le plus direct du Cinématographe, la lanterne magique en est aussi la première victime…
Depuis très longtemps, l’homme a constaté que lorsqu’il fermait les yeux après avoir observé un objet lumineux, il en conservait son image… Ainsi donc, si l’on visionne en continu une suite d’images qui décomposent un mouvement, seule l’impression de flou demeure; par contre, en utilisant un dispositif qui provoque une interruption visuelle entre chaque image, cela permet d’observer une succession d’images fixes, dont la cadence de défilement recrée le mouvement. Les jouets pour animer l’image, basés sur le principe de la «persistance rétinienne», anticipent eux aussi immédiatement le fait cinématographique.
C’est curieusement par le biais de la photographie stéréoscopique que se sont faits les premiers essais de mise en mouvement de l’image photographique. Démarche somme toute assez logique: c’est au moyen de l’appareil stéréoscopique, plus compact et maniable que la chambre de voyage utilisée alors couramment, qu’ont été pris les premiers «instantanés». Wheatstone, vers 1840, caresse un rêve:
«Combiner le principe du stéréoscope avec celui du phénakistiscope… Ce sera l’illusion de l’art portée à son plus haut degré (…)»
Les frères Lumière
Comment exactement est né le Cinématographe de Louis et Auguste Lumière, nul ne le sait vraiment, ce d’autant plus que les archives susceptibles de nous renseigner ont disparu… Que les Lumière se soient inspirés d’Edison, il n’y a nul doute… Ils se mettent à l’étude d’un nouvel appareil qu’Antoine, le père, souhaiterait baptiser «Domitor», tout-à-fait certain de l’indéniable supériorité de cette future production.
On opte finalement pour le nom de «Cinématographe», déjà utilisé précédemment, mais sans suite, et le brevet est déposé le mercredi 13 février 1895, à 12 heures. C’est à Jules Carpentier, célèbre fabricant d’instruments de précision, qu’est confiée la construction. La mise au point va être très longue et ce n’est que le 20 décembre que le Cinématographe est réellement opérationnel, la concurrence devenant pressante…
La première séance de projection a lieu le 22 mars 1895, pour la Société d’encouragement pour l’industrie nationale:
«A l’aide d’un Kinetoscope de son invention, il a projeté une scène des plus curieuses : la sortie du personnel des ateliers à l’heure du déjeuner. Cette vue animée, montrant en plein mouvement tout ce monde se hâtant vers la rue, a produit l’effet le plus saisissant, aussi une répétition de cette projection a-t-elle été redemandée par tout l’auditoire émerveillé. Cette scène, dont le déroulement ne dure qu’une minute environ, ne comprend pas moins de 800 vues successives ; il y a là de tout : un chien allant et venant, des vélocipédistes, des chevaux, une voiture au grand trot, etc.»
(«Bulletin du Photoclub de Paris», avril 1895, p. 125).